Un Passé Mystérieux [Libre]

Il était plutôt rare que le Dieu du Feu quitte son Royaume. Son esprit perfectionniste le poussait à toujours rester sur place pour pouvoir être disponible le plus rapidement possible à n’importe quel moment. Et puis c’était une habitude gardée du temps où il se cachait des habitants de la Lumière. Mais maintenant qu’Elfie était au courant, il devait avouer que cela ne servait plus à grand-chose. Quoi que… Peut-être n’avait-elle pas informée Luce. Auquel cas, il était sûr qu’elle serait venu en personne pour vérifier les dires de son garde du corps. Mais peut-être que la jeune fille qu’il avait connu était devenue une jeune femme tout a fait différente… Enfin tout cela pour dire que pour une fois, Léo avait quitté son Royaume pour se rendre dans celui de la Glace.

Pourquoi la Glace ? A vrai dire, il n’en savait rien. Lui, il avait plutôt tendance à craindre le froid. Peut-être avait-il des poussées masochistes depuis qu’il avait revu sa sœur ? Ce n’aurait pas été vraiment étonnant, je vous l’accorde. Peut-être était-il devenu définitivement fou ? Lui aussi avait-il basculé et perdu le peu de raison qui lui restait ? Peut-être avait-il chu dans le même gouffre qui menaçait Elfie ? C’était difficile à savoir en le regardant, emmitouflé dans sa cape noire, marchant d’un pas rapide en direction du cimetière de la Glace. Pourquoi le cimetière ? Encore une question de lecteur curieux, mais je ne puis malheureusement pas assouvir votre vice, mes petits ! Et même si ses pas semblaient guidés par le hasard, tous les faits et gestes de Léo avaient une raison, une motivation, même si lui-même ne s’en rendait pas compte, même si c’était son subconscient qui dictait les règles de ses déplacements.

Enfin cela faisait un bon quart d’heure qu’il était assis sur ce qui restait d’une statue. Cela avait du être un magnifique ange veillant sur une tombe, mais pour l’heure il gisait sur le sol, totalement défoncé et couvert de givre. Et le Dieu restait là à contempler les vastes étendues blanches qu’il n’avait jamais connu durant son enfance dans le Royaume de la Lumière, là où il faisait toujours beau. C’était un spectacle apaisant malgré tout, ce blanc qui recouvrait tout, comme si le temps n’avait plus de prise ici. Cela devait être sublime les jours de neige. Mais Léo ne savait pas, il n’avait jamais vu de neige.

Quelqu’un entra dans le cimetière. Aussitôt, les sens de Léo furent en alerte. Sa main se glissa fébrilement sur la garde de son sabre, prêt à dégainer si le nouveau venu était animé de mauvaises intentions. Apparemment, c’était une fausse alerte. L’autre, une femme sans doute vu le bruit léger de ses pas. Il attendit une petite minute qu’elle s’asseye pour évaluer la situation. Potentiellement dangereuse. C'est-à-dire, à éclaircir au plus vite. Il se leva donc, aussi silencieux qu’un chat, pour s’approcher de la personne assise un peu plus loin. Elle était enveloppée dans une cape d’un épais tissu noir muni d’une capuche. Impossible de l’identifier. La main droite toujours prête à l’action, il posa la gauche sur l’épaule de l’inconnue. Il lui imprima un léger mouvement pour qu’elle se tourne un peu et qu’il puisse voir son visage.

Fausse alerte. Ce n’était qu’Aryan, nouvellement Déesse de la Glace. D’après ses observations et son service d’espionnage, c’était une gentille fille. Mais il faut toujours se méfier avec les gens du Mal. Il se détendit donc un peu mais pas totalement. Assez pour ne pas paraître impoli.

« Désolé. Vous m’avez fait peur, et avec la Guilde nous sommes tous un peu à cran. Vous êtes Aryan Baalraïy n’est-ce pas ? Je suis Léo de Helios. Dieu du Feu. »

Il ne s’habituerait décidément jamais à son titre… Mais il fallait qu’il se présente, Aryan n’était à Araña depuis longtemps, elle ne devait pas bien connaître. Mieux valait qu’elle tombe sur lui que sur le nouveau Dieu de l’Ombre, Gaël d’Anthracite, ou une autre personne peu fréquentable du même acabit.

Ce fut sans surprise que Léo constata qu'il ne s'était pas trompé dans son identification. L'erreur ne lui était pas coutumière. D'ailleurs, quand il lui arrivait d'en faire, il avait le plus grand mal à les admettre. Enfin là n'était pas le sujet. Il fut cependant un peu étonné de sa réaction tout de même assez agressive. D'un sens, elle était dans son bon droit. Les Dieux n'étaient pas censés se ballader de royaumes en royaume alors que le traité de paix était aussi fragile. Surtout maintenant que la guerre menaçait entre la Guilde et la Confrérie. Il savait pertinement tout cela, il était loin d'ignorer la politique d'Araña. Après toit, cela le concernait plus ou moins directement depuis sa plus tendre enfance...

Sa main retomba donc le long de son corp et il s'inclina légèrement pour signifier qu'il avait bien compris qu'il n'était pas en position de force. Ce n'était pas facile pour son égo, mais mieux vallait ça qu'un incident diplomatique.

« Je vous prie de m'accorder votre pardon. En effet, je n'ai rien à faire sur vos terres, mademoiselle. Si je vous importune, vous n'avez qu'un mot à dire et je me retirerai. »

Il n'avait pas vraiment conscience qu'en montrant cette déférence, il pouvait affaiblir son autorité et mettre en péril son royaume si la déesse de la glace le considérait comme faible. L'habitude, encore et toujours, d'obéïr et non pas d'être obéis. Il se redressa pour continuer, d'égal à égal cette fois.

« Quand à la raison de ma visite... J'avais envie de voir la neige, je crois... Et un peu de solitude ne fait jamais de mal pour réflechir à la gestion des affaires d'un royaume. »